Qui ose, vivra

Gagner avec Parkinson

Posté le 19 mai 2022

À l’occasion de régates endiablées, l’équipage d’Hispania1, partage depuis plusieurs années les valeurs d’un groupe soudé : la sportivité, l’amitié, la solidarité et la transmission des connaissances. En 2023, cet équipage va continuer de courir, mais sur un autre bateau et sur un autre plan d’eau : celui d’un tour du monde. À bord de Neptune, il dédie sa course à une maladie neurologique chronique, dégénérative, incurable, et mal connue : celle de Parkinson.

Le projet maritime et sportif de Neptune est construit dans le droit fil de l’histoire de la Whitbread. Il célèbre les cinquante ans de sa création. L’objectif est de doubler les trois caps austraux en course, faire le tour de la terre, et revenir en Europe, « ivre d’un rêve héroïque et brutal ». En embarquant Bertrand Delhom comme équipier, le projet répond à une autre ambition, celle de délivrer un message d’espoir pour les 7 millions de malades de Parkinson dans le monde, dont 200 000 en France. L’aventure humaine renforce l’aventure nautique en lui donnant un sens particulier : celui d’entretenir et de conserver la vie.

Qui est Bertrand ?

Il est passionné de mer, de bateaux et de régate. Il est né en 1963, dans une famille de militaires. Son intérêt pour la voile grandit dès l’enfance en tirant des bords entre les cailloux de l’Aber Wrac’h. Il a vécu à bord de son Muscadet pendant deux ans ; il s’est beaucoup investi dans le monde de la voile. Ses copains sont à la fois des fils de marins pécheurs, et des frères de la côte. Il découvre le grand large à l’occasion d’un embarquement pour une « marée ». Il y fait connaissance de la longue houle, des senteurs salées, du bonheur d’apercevoir dans la nuit, la lumière de « son » phare, celui de l’île Vierge. Un jour, il rêve de la grande aventure. En 1985, il pose sa candidature pour le Whitbread à l’occasion d’une rencontre avec Éric Tabarly au salon nautique : « Je vois un attroupement autour du Menhir de la voile, je lui demande s’il reste une place dans son équipage pour la prochaine édition de la Whitbread. ‘On est complet’ me répond-il ». Mais qui ne tente rien n’a rien : trente-sept ans plus tard, en 2022, Bertrand est accepté sur le pont de Neptune, skippé par Tanneguy Raffray !

Bertrand Delhom dans son jardin

Tenir la maladie à bout de gaffe

Entre-temps, sa santé s’est dégradée. Subitement en 2020, le verdict tombe, brutal, sans ménagement : « Vous avez Parkinson ! » Avec la découverte de cette maladie neurodégénérative, une autre vie commence. Bertrand doit faire appel à de nouvelles forces pour continuer à vivre. Il trouve des aides auprès de l’association Handivoile Brest, du pôle neuroscience de Rennes, du centre de handicap de Kerpape. Autant d’entités portant haut la devise qui va devenir celle du bateau Neptune et où il prendra sa place d’équipier à part entière : « Qui ose, vivra ! » Bertrand sait qu’il a devant lui sept années de relative quiétude. C’est maintenant qu’il faut envoyer de la toile ! La maladie de Parkinson comporte en effet plusieurs phases successives d’évolution dont la première dure plus ou moins sept ans, avant que la situation ne s’aggrave inexorablement. L’effort, l’activité physique, la force du mental, les relations humaines sont alors des aides précieuses pour maintenir une vie sociale équilibrée. Bertrand a su convaincre l’équipe de Neptune que sur le pont, intégré au groupe, il pouvait avoir la main sur les écoutes, tout en tenant la maladie à bout de gaffe. L’enjeu est de taille et la préparation, en amont du départ de l’Ocean Globe Race, va être soigneusement organisée avec des professionnels de santé. L’aménagement du bateau (cockpit et intérieurs), actuellement à l’étude, va tenir compte de la présence de Bertrand à bord. Son idée fixe est bien de combattre les effets destructeurs sur son propre organisme et de les repousser le plus loin possible. En connaissance de cause, l’équipage va l’aider à agir sur la durée de cette période bénie qui précède le mal. En même temps, il a conscience de pouvoir aider -d’une manière particulière- l’ensemble des instances qui luttent contre les maladies neurodégénératives. Un message d’espoir destiné aux malades eux-mêmes, mais également aux accompagnants, aux aidants, aux médecins chercheurs.

Parkinson’s disease world day

L’espoir de découvrir de « nouvelles étoiles »

En septembre 2023, une vingtaine de bateaux quitteront l’Europe dans le cadre de l’Océan Globe Race en équipage et mettront le cap sur le grand sud. Pour celui qui porte sur son spi la figure barbue du Dieu Neptune, l’objectif est ciblé, magnifique, ambitieux. À bord, les dix compagnons ont pour but de gagner -coûte que coûte- avec Parkinson. Ils auront dix mois pour parer les grains, pour repousser les nuages noirs, pour manœuvrer, vivre et penser. Avec le poète espagnol Hérédia, ils auront tout le loisir de « regarder monter en un ciel ignoré, du fond de l’océan des étoiles nouvelles. »


  1. Bateau de régate de la série des 8 mètres de jauge internationale ↩︎